ASSOCIATION ARTISTIQUE ET MUSICALE GHARNATA  (TLEMCEN- ALGERIE)

50 EME ANNIVERSAIRE DE « GHARNATA »  1964-2014

 ECOLE DE MUSIQUE ARABO ANDALOUSE ET GENRES DERIVES

BREF HISTORIQUE

Communiquant M.HAMEDI Mohammed

C’est en avril 1964 que l’association artistique et musicale  « GHANATA » obtint des autorités administratives l’agrément de sa création .Mais en réalité, c’est au lendemain de l’accession de l’Algérie à son indépendance, soit juillet 1962, qu’un groupe d’hommes de culture mûs par la volonté de se réapproprier la culture nationale dont la musique arabo-andalouse constitue un pan important, s’organisèrent en association culturelle pluridisciplinaire, espace de pratique d’activités multiples : arts dramatique ,plastiques, jeu d’échecs, musique traditionnelle(arabo-andalouse, Haouzi, Aroubi, panégyrique religieux).

La première tâche que cette équipe entreprit, c’était la récupération de tout le patrimoine poético-musical existant à Tlemcen, notamment chez  le grand maitre, Cheikh LARBI BEN SARI. C’est ainsi que des séances interminables d’enregistrement de Noubat (pluriel de Nouba) sur bande magnétique étaient consacrées à cette mission de sauvegarde, d’autant que ce grand maitre, dont l’âge avoisinait les cent ans, commençait à donner  des signes de santé inquiétants. Ces enregistrements sont venus donc  compléter ce qu’il avait enregistré auparavant comme disques ou lors d’émissions radio.

Cette association prit donc le nom de « GHARNATA » ; un nom qui recèle un ensemble de symboles qui expriment toute la grandeur de l’Andalousie perdue. C’est également la similitude des deux cités, Tlemcen et Grenade, en ce qu’elles partagent des pages riches en évènements socio-culturels, scientifiques, politiques. Les exemples illustrant les pages de cette histoire commune nous proviennent d’hommes illustres tels :

–  Le philosophe soufi et poète IBN KHAMIS né à Tlemcen mort à Grenade (14 eme siècle) ;

–  Le poète philosophe LISSANOU EDDINE IBNU EL KHATIB, né à Grenade, homme d’Etat sous le règne des Zianides à Tlemcen (14eme siècle) ;

–  Le grand savant ABDU RAHMAN IBNU KHALDOUN qui exerça des fonctions politiques dans les cours de Grenade et de Tlemcen (14eme siècle) ;

–  ABO ABDIL, de son vrai nom ABU ABDULLAH MOHAMMED XI, dernier roi de Grenade mort  et enterré à Tlemcen (16eme siècle) ;

–   Bien d’autres faits marquants et hommes de génie qu’il serait fastidieux de citer, témoignent de cette similitude ;

–       C’est également et dans une très large mesure l’héritage musical andalou reçu par Tlemcen consécutivement aux multiples vagues de mouvement migratoire vers Tlemcen depuis la chute de Cordoue ( 1236) jusqu’à la prise de Grenade (1492), dernière citadelle de la dynastie des BANU EL AHMAR à tomber entre les mains de la reconquête espagnole.

–      A une cité où l’agriculture occupait l’essentiel de l’activité économique et où l’artisanat d’art était circonscrit surtout à l’architecture musulmane : calligraphie, arts décoratif et quelques activités d’artisanat domestique, sont venues se greffer plusieurs autres métiers où l’art était le maitre mot. En effet, la poterie, la dinanderie, la sculpture sur bois, la lutherie, la broderie, la bijouterie, le tissage, le travail de la céramique… s’implantèrent à Tlemcen ; et de nos jours encore, certains quartiers se reconnaissent par des éponymes de métiers :la porte des Tuileries, le quartier des faïenciers, la venelle des teinturiers, le quartier des bijoutiers… et, cerise sur le gâteau, la musique arabo-andalouse s’est invitée partout à Tlemcen, dans les cafés, les caravansérails, au sein même des familles pour célébrer mariages, fêtes nationales, religieuses et marquer sa présence dans tous les évènements heureux. Son encrage fut si profond qu’à ce jour, on la désigne par GHARNATA. A Tlemcen, jouer GHARNATA, c’est jouer de la musique arabo-andalouse.

En somme, Grenade symbolise non seulement ce passé glorieux d’une civilisation au raffinement culminant le monde, mais également  une civilisation dont les ramifications ont trouvé en Tlemcen un terrain fertile, à telle enseigne que certains historiens ont fait de Tlemcen la Grenade du Maghreb, d’autres la perle du Maghreb.

Ainsi donc, l’appellation « GHARNATA », donnée à cette association se voulait- elle l’annonce d’un programme culturel à envisager, s’appuyant sur ces valeurs ; d’où la création en son sein, de sections multiples : arts dramatique, plastiques,  jeu d’échecs, musique traditionnelle (arabo-andalouse, Haouzi, Aroubi, panégyrique religieux).

Après avoir rayonné plusieurs années, de toutes ces sections ne subsiste hélas,  que celle de musique ; ceci grâce à son école dont le retentissement a gagné tout le territoire national, voire au-delà et dont le palmarès  ressort en partie, des  activités nationales et internationales figurant ci-après :

 Au plan national :  

 –                  Tous les festivals organisés à travers le territoire national depuis 1966.

–                  Festival culturel national du Haouzi – Tlemcen Juillet 2007, 2ème prix.

–                  Festival international de musique andalouse et musiques anciennes Alger 2007.

–                  Festival culturel national du Haouzi – Tlemcen 2008 et 2009, hors concours.

–                  Festival culturel national du Haouzi – Tlemcen 2010, 3ème prix.

–                  Participation très remarquée dans le cadre de l’événement « Tlemcen Capitale de la  Culture Islamique 2011» notamment par l’organisation et l’encadrement de Masters Class portant sur les instruments que sont le R’beb et la Kouitra, ainsi que sur le chant individuel.

–                  Festival culturel national du Haouzi-Tlemcen 2011, hors concours.

–                  Festival culturel national du Haouzi-Tlemcen 2012, 3éme prix.

–                  Festival culturel national du Haouzi-Tlemcen 2013, hors concours.

Au plan international :  

 –                  Tournée en France (Cannes, Grace, Nice Juin 1981)

–                  Festival international des musiques anciennes du Bassin Méditerranéen, Etampes (France) 1981(soirée de clôture).

–                  Festival international du Tarab El Gharnati (Saïdia 1983, 1984, Oujda 1993, Maroc)

–                  Grenade (Espagne) 1989, cérémonie marquant le jumelage entre cette ville et Tlemcen.

–                  Festival de musique andalouse de Fès(Maroc) 1989, 1990.

 

A ce palmarès, non exhaustif du reste, il y a lieu d’ajouter certains évènements et activités :

En matière de formation, il faut noter que, depuis 1975, année d’ouverture de l’école de musique, la première à Tlemcen, plusieurs centaines de jeunes ont été formés, dont certains ont choisi la voie du professionnalisme. Le chanteur Brahim Hadj-Kacem, star actuelle de la chanson, a reçu l’essentiel de sa formation à GHARNATA.

L’association GHARNATA, toujours présente aux grands évènements culturels, est devenue un élément incontournable, que ce soit au niveau du défunt festival national de musique arabo-andalouse de Tlemcen (1974 -2005 soit 25 éditions), ou de l’actuel festival culturel national de musique HAWZI de Tlemcen, dont la direction artistique et assurée par l’intervenant ici présent  et ce, depuis 2007 à ce jour, soit 7 éditions.

Toujours et grâce à la célérité et au dévouement  de ses membres, elle a pris part activement a des rencontres nationales consacrées à l’étude des grands problèmes de musique arabo-andalouse et HAWZI (voir conférence à ce sujet de M.HAMEDI).

Faut-il aussi rappeler que, d’entre toutes les associations de Tlemcen, GHARNATA a été choisie pour organiser, dans le cadre de l’évènement international « 2011 Tlemcen capitale de la culture islamique », un master class sur le chant individuel et sur les instruments traditionnels que sont le REBAB et la KUITRA. Le concours organisé dans ce cadre pour les musiciens de moins de 25 ans, a vu la consécration des élèves de GHARNATA qui ont raflé les trois prix.

Par ailleurs, l’association a enregistré la visite de grands noms de la musique arabo andalouse, tels le professeur AHMED SERI d’Alger, auteur d’une anthologie de la musique SANAA ; le défunt ABDELKRIM DALI, grand maitre de musique ayant fait ses premiers  pas de professionnel à Tlemcen pour aller s’installer à Alger en 1946 ; le docteur YAHIYA GHOUL ; les frères MOHAMMED et MAHMOUD BEN SARI, fils de l’icône de cet art musical cheikh LARBI BEN SARI décédé en 1964, considéré jusque-là comme le grand et inégalable maitre tant par sa rigueur que par sa prodigieuse mémoire. La liste est longue, mais je ne terminerai pas sans souligner la visite des groupes français connus notoirement pour leurs musiques anciennes, les Ménétriers et le groupe Guillaume De Machau, dirigé par le célèbre Jean Béliard, qui fut, d’ailleurs, un grand ami de GHARNATA.

Avant de clore ce bref aperçu historique et, par devoir de mémoire,  on ne peut parler de cinquantenaire sans évoquer, avec tout le respect et la considération qui leurs sont dus, les hommes de culture fondateurs de l’association GHARNATA et à leur tête, le défunt BENKALFAT Djeloul, ancien normalien, instituteur émérite, directeur de la première université populaire de Tlemcen, homme de culture, passionné de l’art andalous en général et de musique arabo andalouse et genres dérivés, en particulier. C’est en décembre 1989 que ce monument de la culture tira sa révérence. Lui succéda alors, monsieur SEKKAL Abdelmadjid à la présidence de GHARNATA. En sus de ses qualités de comédien, puisqu’il anima pendant plusieurs année la section art dramatique, SEKKAL Abdelmadjid se révéla comme meneur d’hommes et devint même la cheville ouvrière de l’association et ce, jusqu’à décembre 1995 où, à son tour, il tira sa révérence.

Je saisis donc cette opportunité pour leur rendre un vibrant hommage pour tout le travail qu’ils ont accompli et la voie qu’ils nous ont tracée avec pour mission de perpétuer ce militantisme culturel, de prendre soin de ce legs qui ne cesse de nous réconcilier avec notre patrimoine ô combien précieux et sans lequel nous n’aurions pas eu accès à cette tribune, aujourd’hui. Notre pensée va également aux professeurs de musique qui ont pris à bras le corps la responsabilité de former une jeunesse toujours nombreuse et ce, malgré le peu de moyens dont ils disposaient. J’ai nommé les professeurs BOUALI MOHAMMED, ABOURA KHEIREDDINE, BOUHASSINA MUSTAPHA que Dieu ait pitié de leur âme. Je terminerai par citer mon collègue et ami MUSTAPHA TABET HELLAL avec lequel j’ai partagé cette responsabilité de formateur pendant plusieurs années, mission dévolue, à présent, aux frères SEKKAL ABDERRAHIM et MOURAD.