Ahmed AL-MAQQARY

(1578-Janv.1632)

Mohammed BAGHLI

Ahmed Al-Maqqary naquit à Tlemcen en l’an 986 H./1578G. Certains auteurs orientalistes datent la naissance d’Al-Maqqary en 999H. soit correspondant à l’année 1591 G.

Notre génération vient seulement de se rendre compte que plus de quatre siècles viennent de s’écouler sans que sa ville natale et son pays ne lui rendent les honneurs qu’il mérite pour les matériaux et les indices de la Civilisation du Grand Maghreb et de l’Andalousie qu’il nous a offerts dans ses « Analectes » et son bouquet de « Fleurs des Jardins » .

Ahmed Al-Maqqary bénéficia d’une solide formation auprès des cinq universités que comptait au XVI°siècle la ville de Tlemcen :

l’Université  Libre des frères Ibn Al-Imam ,

l’Université Et-Tâchfîniyya qui occupait tout l’espace entre le Méchouar et la Grande Mosquée,

l’Université Al-Ya’qoûbiyya qui s’étalait derrière la Mosquée de Sidi Brahim vers l’actuelle Maison de la Culture,

l’illustre Medersa d’Al-Eubbad où Abderrahmane Ibn Khaldoun enseigna les chapitres préliminaires de ce qui sera la Moqqadima,

et enfin le complexe d’enseignement dans les multiples Djami’ des quartiers de la médina : Derb Messoufa, Sid Al-Benna, Sidi Ech-Cha’âr, Al-Qarrân, Al-Ghriba, Er-Ro’ya, Sidi Belahcène Er-Râchidî, Ech-Chorfa, Al-Kerma, Al-Habbak, autour du Djami’ Sidi Mohammed Ben Youcef Es-Sennouci .

Ahmed Al-Maqqary bénéficia d’un fond bibliographique et documentaire exceptionnel dans les Bibliothèques spécialisées des Universités, Médersas et Djâmi’ de Tlemcen et ce notamment dans la Très Célèbre Bibliothèque de la Grande Mosquée de Tlemcen inaugurée en 1359 par Abou-Hamou Moussa II .

Ahmed Al-Maqqary nous cite à travers ses oeuvres des passages entiers des ouvrages qu’il avait consultés dans cette TCB de la Grande Mosquée de Tlemcen.

De nombreux savants avaient reconnu l’importance des services rendus par cette Très Célèbre Bibliothèque de la Grande Mosquée de Tlemcen et plusieurs générations avaient pu acquérir une dimension universelle des connaissances grâce à la richesse du fond bibliographique et documentaire qui le composait .

Il a fallu utiliser les subterfuges les plus vils pour pouvoir dilapider les manuscrits habousés pour rester dans la Grande Mosquée et qui se retrouvent actuellement dans plusieurs Bibliothèques du monde.

Les ouvrages référencés par Al-Maqqary pourraient permettre de reconstituer ce fond constituant l’âme culturelle de Tlemcen .

Ainsi après une solide formation pluridisciplinaire dans les sciences de son époque, voilà qu’Ahmed Al-Maqqary est contraint de quitter Tlemcen pour aller offrir ses services dans les grandes universités de l’époque :

Fez d’abord, reconnait en lui un digne fleuron du Qâdi ‘Ayyadh et du rite malékite, Al-Qâhira, Mekka, Al-Madîna, Al-Qods, Dimachq découvrent l’Occident Musulman dans ses dimensions historiques, littéraires, artistiques et scientifiques à travers l’immense tableau d’hommes, de villes, de monuments, d’évènements, de voyages, de combats, de scènes en tout genre et ce du VIII° au XV° siècle .

Sur leur insistance, Ahmed Al-Maqqary leur élabore plus de 1800 pages manuscrites de cette fresque sans laquelle la dimension civilisationnelle de l’Occident Musulman aurait été porté sur le registre de l’oubli ou comme des anneaux manquants à la chaîne de l’Histoire du Maghreb .

Avec Les Analectes du Rameau d’Andalousie et les Nouvelles de son grand Secrétaire Lissân Ed-Dîn Ibn  Al-Khatib, d’autres oeuvres dominantes ont été déja publiées :

– Fleurs de Jardins sur les nouvelles du Qâdhi ‘Ayyadh

– Jardin de Myrtes sur les savants rencontrés à Marrakèche et Fès.

D’autres oeuvres restent à l’état de manuscrits .

Il s’agit notamment :

– Ithâf Al-Mughram Al-Mughrâ qui est un complément au commentaire d’As-Soughra du Cheikh Al-Imam Sidi Mohammed Ben Youcef Es-Senoussi ;

– Idhâ at Ad-Doujounna fî ‘Aqâid Ahl Es-Sounna

Hâchiyya ‘ala Charh Oum Al-Barâhin

Ces trois oeuvres sont inspirées des oeuvres que le Cheikh Al-Imâm Sidi Mohammed Ben-Youcef Es-Senouci composa dans sa Khelwa du Derb Banî Djemlâ du quartier Marsâ et-Talabâ de la médina de Tlemcen .

Plusieurs autres oeuvres d’Al-Maqqary sont citées dans les biographies mais non localisées à ce jour.

A la demande de ses collègues de Tlemcen, Ahmed Al-Maqqary a composé une oeuvre pour faire mieux connaître la personnalité et l’oeuvre du très célèbre Qâdhi ‘Ayyâdh (1085-1149), auteur d’oeuvres magistrales qui ont résisté à plus de 8 siècles de lectures inassouvies par des générations de maghrébins, il s’agit notamment du Kitâb Ech-Chifâ’.

Ahmed Al-Maqqary emmène son lecteur à travers huit jardins de différentes catégories de fleurs dont les senteurs peuvent rappeler de près ou de loin un indice sur la vie et l’oeuvre du Qâdhî ‘Ayyâdh.

Du jardin des roses où l’on découvre la supériorité de ce savant,

il nous fait  traverser le jardin de camomille (Oukhouwân) pour  le découvrir dans son enfance et sa jeunesse

puis au jardin de narcisse (Bahâr) il nous présente une pléiade de ses maîtres .

Au jardin de girofle (Manthoûr) il nous présente quelques extraits de textes et de poèmes de ‘Ayyâdh ;

au jardin des roses de Jericho (Nesrîne) il nous présente le catalogue de ses oeuvres .

Au parterre de myrtes (Ass) il nous relate sa mort et les événements qui l’ont accompagné .

Dans un pré de coquelicots (Chaqâiq) les plus beaux passages de ses oeuvres sont présentés .

C’est enfin parmi les nénuphars (Neyloufâr) que les éloges de tous ceux qui l’ont étudié sont présentés.

A travers ces jardins, nous venons de traverser un vaste musée de tableaux d’hommes, de lieux, d’événements se déroulant dans les plus beaux textes de la littérature du Maghreb avec épîtres, prêches, scènes de la vie courante .

Il s’agit aussi d’une anthologie d’auteurs et d’oeuvres ayant façonné le grand Maghreb pendant plusieurs siècles avec des réponses aux grandes questions de notre civilisation .

Qui se souvient encore d’avoir posé quelque question à Ahmed Al-Maqqary sur la vie et l’oeuvre du Qâdhî ‘Ayyadh et sur les problèmes permanents posés par la civilisation arabo-islamique dans son environnement occidental, il y a plus de quatre siècles de cela ?

Il est à craindre que les réponses d’Ahmed Al-Maqqary ne soient rendues à Tlemcen qu’à l’occasion des prochaines rencontres sur la vie et l’oeuvre d’Ahmed Al-Maqqary, si Tlemcen pouvait un jour reconstituer ses jardins de Roses, de Camomilles, de Narcisses, de Girofles, de Roses de Jericho, de Myrtes, de Coquelicots, de Nénuphars qui se trouvaient dans sa cité .

Ahmed Al-Maqqary s’en est souvenu et nous a offert un sens à chacune de ces fleurs.

Mohammed BAGHLI